« La
terre ne nous appartient pas, ce sont nos enfants qui nous la prêtent » (proverbe indien)
Introduction
La révolution du 14
janvier 2011 est qualifiée comme étant une révolution inédite. Elle s’est
caractérisée par des aspirations sociales sur fond de liberté et de dignité,
d’une part, par sa spontanéité et l’absence d’aiguilleur(s) politique(s),
d’autre part. Certains prédisaient que les ondes de choc de cette révolution
vont se propager d’une manière continue, à amplitude variable d’un pays à un
autre. Cette variabilité est en rapport direct avec le rapport des forces
existantes, la maturité politique des populations et les manœuvres répressives(matérielles
et immatérielles)utilisées par la contrerévolution. Or, cette dernière est en
fait bien armée, politiquement, financièrement et médiatiquement pour tenter de
piéger ces révolutions.
Le starter de cette
révolution sociale et spontanée n’est autre qu’une large frange de citoyens qui
sont les victimes de l’imbrication de
causes endogènes et exogènes. Cette frange comprend essentiellement les
marginalisés(chômeurs qualifiés ou non, paysans, artisans et commerçants)à
laquelle s’est rapidement alignée une seconde englobant des
socioprofessionnelles, des syndicalistes et des politiciens victimes d’une
politique mafieuse et autoritaire.
En terme spatial, ce
processus révolutionnaire a démarré, comme c’était toujours le cas, à partir de
la grande région marginalisée(Sidi Bouzid -Kasserine)puis elle s’est rapidement
propagée aux autres régions du pays. Ainsi la disparité socio-spatial était le
dénominateur commun de toutes les émeutes et révoltes qu’à connu le pays depuis
belle lurette.
Le résultat immédiat de ce processus est
d’ordre politique qui se résume aux points suivants : l’éviction de la
tête du pouvoir exécutif, un remodelage provisoire de ce pouvoir, la
liquidation du pouvoir législatif et l’instauration de comités consensuels,
provisoires et consultatifs (Haute Instance ; ISIE ).
Cependant, ce processus
révolutionnaire reste en quête de réponses à un ensemble de questions,
dont :
ü Comment peut-on remédier à cette disparité régionale et
ses conséquences?
ü Le remodelage du paysage politique constitue-t-il
l’unique solution pour atteindre les objectifs d’une révolution à
caractère social ?
ü Le réaménagement constitutionnel est-il suffisant
pour instaurer une réelle démocratie et une gouvernance transparente ?
ü Quel est la place et le rôle futures de chacune des
catégories de la société civile(partis, syndicats, associations) ?
Pour
répondre à l’ensemble de ces questions, il est impératif de déterminer la causes(étiologiques,
favorisantes)et d’analyser la nature de leurs interactions ainsi que leurs
effets et impacts.
1/ Arbre des causes & effets :
L’arbre qui cache la forêt !
Les analyses sont
unanimes à considérer que le processus de déclenchement de cette révolution est
dû à de nombreuses causes enchevêtrées. Les causes identifiées sont de natures
telles qu’on peut les scinder en deux grands groupes : des causes favorisantes et
d’autres déterminantes.
1.1/ Les causes favorisantes :
Elles sont de sources
endogènes, elles sont apparentées à deux ordres de nature:
socio-économique et politique. La première est
liée aux approches adoptées en matière de développement et leurs répercussions
néfastes sur les régions, les professions et les individus. Les effets et
impacts de ces approches peuvent être présentés dans un tableau à fond noirci
par des régions marginalisées, un investissement réticent et recroquevillé, une
dépression du niveau de vie, une disparité sociale, une recrudescence du
chômage, une exacerbation de la pauvreté, un accroissement de l’exode rural et
de l’émigration clandestine et une ramification tentaculaire du circuit
informel(commercial et financier).
Sans se référer aux
décennies lointaines, les choix stratégiques adoptés depuis les années soixante
et l’accumulation de leurs effets négatifs constituent la cause étiologique.
Nombreuses analyses s’accordent à subdiviser l’historique postcoloniale de ces
choix en trois périodes distinctes.
Ø Période des années 60 :
Cette première période
dite « période ben salhiste » ou « période des
coopératives » s’est basée sur les axes suivants :
ü une politique agricole axée sur la collectivisation
des terres agricoles(UCPA :Unité Coopérative de Production Agricole)en vue
d’intensifier les facteurs de production et de dynamiser et régulariser le
marché interne des produits agricoles ;
ü une politique industrielle orientée sur
l’enrichissement du tissu industriel(pôles),basée sur l’exploitation des
ressources minières ;
ü une politique touristique axée sur l’émergence
et la promotion d’unités hôtelières en vue d’optimiser l’exploitation des
ressources balnéaires du pays ;
ü une politique sociale fondée sur le principe du
droit à la subsistance par le biais d’une démarche d’assistance et la promotion
de l’emploi(chantiers).
ü une politique éducative visant à doter le pays
de cadres technico-administratifs tunisiens(hauts et moyens cadres)en rapport
avec les besoins et la souveraineté du pays.
Les moyens financiers pour la mise en
œuvre de cette politique provenaient de deux sources : une source endogène
provenant de la plus-value dégagée par le secteur primaire(agriculture, mines)et
une autre exogène sous forme de crédits
fournis par la BIRD et le FMI.
Quand
aux mécanismes conçus étaient de natures dirigiste et sectorielle. Durant cette
période, la vie politique était caractérisée par un autoritarisme
bicéphale : un Etat émergeant et un Parti(Parti Socialiste Destourien
(PSD))qui se sont attribués la légitimité historique d’avoir
« guidé » la lutte pour l’indépendance du pays. Ces deux appareils
étaient eux-mêmes sous l’emprise d’une unique personne : H’bib Bourguiba.
Quant à la démarche
adoptée durant cette décennie, elle avait pour conséquences : un
appauvrissement des exploitants agricoles(régions intérieures du pays)au profit
des régions du littoral-Est, un flux d’exode rural sans précédent et enfin des
émeutes mettant fin à cette première période.
Ø Période des années 70-80 :
La fin tumultueuse de
la période précédente a poussé l’Etat à concevoir et instaurer une politique
libérale axée sur :
ü la désagrégation des terres collectivisées tout en
conservant le noyau des terres domaniales, la création des offices(OTD, OEP,
OMVVM, OH), la promotion de l’industrie agroalimentaire (IAA) et l’extension de
la superficie des périmètres irriguées de la basse vallée de la
Medjerda. Ces activités constituaient le contenu de plans de développement
quinquennaux à dimension régionale ;
ü la
dynamisation et/ou la réhabilitation des unités industrielles érigées durant la
période précédente (aciérie, pneumatique, raffinerie, papeterie) ;
ü l’exploration
et l’exploitation des ressources souterraines (phosphates, pétrole,
marbre) ;
ü l’instauration d’une industrie manufacturière
et de montage mécanique sur une trame de contrats bilatéraux(lois 72 et 74;
ü La promotion du secteur touristique en facilitant
les procédures d’installation de nouvelles unités et la diversification des
produits touristiques.
Dans ce nouveau
contexte libéral , le secteur secondaire(textiles, industrie mécanique et
l’IAA) et tertiaire(hôtellerie et autres services)étaient les principaux
bénéficiaires de cette politique des années 70. Toutefois, il est à signaler
que cette armada d’unités sectorielles s’est localisée dans les régions
littorales du pays. Quant à l’agriculture, spécialité des régions intérieures
du pays, et en dépit des incitations promulguées pour sa promotion, elle a été marginalisée
et le revenu des paysans s’est dégradé relativement à la hausse du niveau de
vie, accentuant la paupérisation de cette catégorie sociale. Deux autres
facteurs se sont conjugués pour accentuer le rang des victimes du monde
rural :
·
le niveau du
SMAG qui était d’une valeur répulsive aux demandeurs d’emploi agricole;
·
la mécanisation
agricole qui est venue limiter l’offre de la main d’œuvre agricole.
Ces
différents facteurs étaient la cause d’un flux d’exode rural qui était à
l’origine de la pullulation des « faubourgs » ou « ceintures
rouges » autour des grandes villes(Bizerte, Tunis, Sousse, Sfax)et
l’élargissement spatial des agglomérations de taille moyenne (Ksar Helal, Ben
Arous, Menzel Bourguiba…).
Etant donnée l’abondance de l’offre du
milieu urbain en matière de main d’œuvre non qualifiée et les exigences des
« partenaires » étrangers, le SMIG était d’un niveau pénalisant. Pour
remédier à cet effet l’Etat a adopté une politique sociale basée sur deux
créneaux : la compensation sur les produits de base et de l’énergie(Caisse
Générale de Compensation), la facilité d’accès aux crédits de consommation et
immobiliers(logements sociaux)et la régulation du marché .
Ainsi, le mode de
fonctionnement de l’Etat s’est métamorphosé d’un mode d’assistanat à celui
d’incitatif. Une panoplie de mécanismes incitatifs(crédits, subventions,
infrastructures…)a été légiférée en vue de promouvoir les secteurs suscités.
Toutefois, une
paradoxale situation persistait, elle est liée au caractère dirigiste de
l’administration dans un contexte libéral.
Malgré ces mesures incitatives et le
contexte favorable lié à l’entrée en exploitation des ressources pétrolières,
l’appauvrissement des populations rurales et urbaines s’accentuait, ils étaient
aussi à l’origine de l’accroissement de la fréquence et de l’amplitude d’un
mouvement contestataire dont le pic est atteint en janvier 1978. (NB: les émeutes ont démarré à Douz.)
Ø Période des années 80-aujourd’hui :
Cette période est celle de la mise en
œuvre du plan d’ajustement structurel(PAS)dicté par le FMI et la BIRD.
L’économie du pays est devenue béante aux flux financiers(IDE, crédits)et aux
produits étrangers avec un désengagement progressif de l’Etat en matière
d’investissement économique et
d’assistance sociale. La signature des accords bi et multilatéraux(ex : UE
-juillet 1995)était l’un des indicateurs de la libéralisation totale de
l’économie du pays. L’exécution de cette politique libérale s’est basée sur la
mobilisation des ressources régionales et la libération des initiatives privées
afin de stimuler le développement de l’économie nationale. En effet, cette
politique libérale s’est axée sur les éléments suivants :
ü Une politique de réhabilitation du tissu industriel
et touristique ;
ü Un PASA basé sur la promotion de filières
agricoles(production, commercialisation , transformation et stockage)et
l’organisation de la profession. Il a été sujet d’étoffer ce programme par une législation
incitatrice et de structures d’appui et de suivi(création de l’APIA en 1983).
ü Une politique de libre échange marquée par un
dispatching chronologique des produits à exonérer et la création de zones
franches(Bizerte, Zarzis).
Les éventuelles retombées négatives, sur le
plan social et environnemental, étaient les plus contestées lors des
négociations au sein des forums et colloques internationaux. Or, celles-ci
n’intéressaient ni les multinationales ni les bailleurs de fonds(privés et
institutions financières internationales).
Le corollaire de cette
politique libérale est basé sur le principe de désengagement de l’état et la
liberté d’initiative. Le rôle de l’Etat devrait muter par conséquence d’un rôle
incitatif à un rôle de pilotage. Or le tissu institutionnel et administratif
est resté grippé, victime de sa routine bureaucratique et de son système
dirigiste.
Les néfastes
conséquences prédites par d’imminents économistes et les politiciens avertis
n’ont pas tardé à toucher une large masse de citoyens appartenant aux
différentes classes sociales et à l’accentuation des disparités régionales.nElles
étaient d’un gradient d’intensité différent d’une région à une autre et selon
la strate sociale. Parmi les effets et impacts négatifs on peut citer : le
favoritisme régionale en matière d’investissement, le désintéressement à
l’égard de l’appareil de production agricole au profit d’une poigné
d’importateurs de produits de consommation d’origine agricole, la baisse du
niveau de vie de toutes les catégories socioprofessionnelles, l’exacerbation du
chômage des jeunes diplômés . Pire, les rentes de la privatisation des
établissements étatiques suscitaient les convoitises d’un Président escroc,
d’une nébuleuse famille mafieuse et d’une constellation d’opportunistes(personnalités
physiques et morales).
A cette première cause
d’ordre socio-économique vient s’ajouter une autre d’ordre politique. Cette
dernière s’est caractérisée par
l’accaparation des pouvoirs politiques et technico-administratifs, la mainmise
partisane(Rassemblement Constitutionnel Démocratique(RCD))sur l’appareil de
l’Etat et le harcèlement politico-médiatique sur un fond dissuasif et
répressif…etc.
1.2/
Les causes déterminantes :
Ces causes sont de différents
ordres : bioclimatique(sécheresse), foncier(stratification foncière,
morcellement), économique(limites du
marché intérieur), décisionnel(exclusion du genre féminin et des jeunes),
éducationnel(analphabétisme)et organisationnel(absence ou alignement des
structures professionnelles).
Ø Le bioclimatique
Le climat de la Tunisie
est subdivisé en cinq étages pluviométriques. Cette variabilité suit l’axe
méridien. Les régions du nord sont les plus dotées en la matière. La richesse
et la diversité biologique sont en corrélation positive avec l’étage
pluviométrique. Ainsi, les régions du centre et du sud sont les plus démunies.
Pour subvenir aux besoins de ces dernières, l’Etat a misé sur l’installation d’un
réseau de barrages nordiques(NB : On est à 85% de l’optimum de captage des
eaux fluviales). Mais, il est à noter que
les bénéficiaires de cette connexion sont les régions du Nord et celles
littorales via le canal dit : « Canal Chinois ». L’autre
technique d’exploitation des ressources hydrauliques consistait à l’incitation
à pratiquer les forages profonds. Malgré ces efforts, la superficie totale des
périmètres irrigués ne représente que 7-8% de la SAU.
Ø Le foncier
La structure foncière
du pays est très compliquée. La dernière enquête exhaustive menée par le
M.A(2004)met en exergue la diversité des statuts juridiques et des modes
d’exploitation. Le phénomène de morcellement est devenu tel que la superficie
moyenne par exploitation agricole(11ha/E.A) est à la limite du seuil de
rentabilité(NB : en France, elle est de 75ha/E.A). L’indice de présence(prise
en compte de la production animale)est défavorable sur les PEA et MEA(charge
animale/ha au-delà des normes préconisées). Pire, il est très négatif, selon
l’axe Nord-Sud, en prenant en considération les besoins des ressources animales
et les disponibilités fourragères. A
tous ces facteurs dépressifs viennent s’ajouter l’érosion et l’urbanisation(La TUNISIE perd entre 25000 à
30000ha de terres arables/an à causes de l’érosion et de l’urbanisation).
Cette situation foncière est l’élément à risque majeur sur lequel repose
l’accessibilité aux financements agricoles.
Ø La décision
Le pouvoir de décision
familial est de type patriarcal. Malgré le rôle technico-économique que joue la
femme rurale, en tant que propriétaire de bien foncier ou ouvrière, elle est
carrément écartée de la gestion financière de l’EA et/ou de ses rémunérations.
Cette situation paradoxale est en corrélation positive avec le bien foncier
partagé ou à partager(plus la propriété est faible plus le pouvoir décisionnel
est patriarcal).
Ø L’analphabétisme
Il est communément
connu que les régions de l’intérieur sont les moins servies en matière
d’éducation. L’alphabétisme est discriminatoire par région et par genre.
L’éducation des filles en milieu rural reste tributaire des projections des
parents d’une part, et de la proximité d’un milieu urbain ou villageois d’autre
part. En tout cas, ce facteur reste déterminant quant à l’avenir du travail
dans le secteur agricole et de sa « modernisation » technique. Il
s’agit d’un élément freinateur à l’adoption des nouveautés
technico-scientifiques.
Ø Les structures
Les structures d’accompagnement, d’appui et de
services sont de plus en plus absentes au fur et mesure que la zone est
enclavée. Encore un nouveau paradoxe, c’est là où les besoins sont énormes que
les structures sont absentes ! Le désenclavement géographique(pistes
agricoles, routes goudronnées, moyens de transport)est synonyme d’un
désenclavement immatériel(journées de vulgarisation et d’information, cours d’alphabétisation,
animation culturelle).
2/
Découpage spatial : Le Talon d’Achille de l’économie !
2.1/ Concept de la région:
Le concept de la région
ne cesse d’interpeller plusieurs disciplines à une profonde réflexion.
Toutefois, on peut énumérer quelques définitions retenues par les
spécialistes :
Ø Une région est un espace de vie ouvert à
délimitation virtuelle ou naturelle, variable, osmotique et parfois
conflictuelle. Le degré d’ouverture et l’intensité relationnelle d’une région
déterminent la marge de liberté, la vitesse du progrès et le bien être de ses
résidants.
Ø Une région est le produit d’un processus
d’accumulation spirale. Cette dernière est d’ordre socioculturelle, naturelle(biodiversité
et dégradation, modes d’exploitation et de gestion), et économique(mode de
production, mode d’appropriation des moyens de production, effets et impacts
des projets).
Ø Une région est une entité fonctionnelle plus ou
moins homogène. Les grandes fonctions régionales sont des fonctions de planification,
de coordination, de déconcentration et de participation.
Ø Une région est un objet d’action et de gestion de
ressources disponibles.
Ces quatre définitions
sont en fait les composants organiques d’une région viable et vivable. Une
vision polygonale de la région dans une perspective de la dynamiser
économiquement et socialement, selon une approche intégrée en termes de
plus-value économique et socioculturelle, est seule garante d’un essor régional
équitable, équilibré et bien articulé. Une nouvelle redistribution, des
potentialités régionales disponibles, associée à une gestion de proximité,
pluridisciplinaire et transparente constituent les assises de cet essor.
2.2/ Caractéristiques historiques du
découpage :
L’une
des préoccupations majeures, des décideurs successifs qui ont gouverné le pays,
était le développement des régions en rapport avec les exigences du contexte
national et international et selon les objectifs assignés.
La quasi-totalité des
études post-projets convergent vers la conclusion suivante : les
successives approches adoptées ont mené à un déséquilibre régional structurel.
Ce dernier est l’extrant cumulatif d’une politique coloniale basée sur
l’exploitation à outrance des matières premières(produits du secteur primaire)
et d’une autre postcoloniale qui visait la diversification des ressources(secteur
secondaire et tertiaire).
Etant donné
l’importance du secteur agricole et la richesse minière du pays, le monde rural
était l’objet d’une politique spoliatrice. Une brève lecture historique montre
les bases conçues lors des découpages successifs du pays.
Ø Le découpage beylical :
En prévision d’une
éventuelle réplique populaire aux effets néfastes de leur politique féodale,
les beys ont opté pour un maillage régional de type « tribal-fiscal »
à caractère dissuasif et répressif. Un découpage sur trame tribale afin de
déjouer les dissidences tribales éventuelles d’une part, et pour une meilleure
collecte d’impôts d’autre part. L’historique révolution tribale de 1864, dite « révolution
de Ali Ben Ghedhahem », était le reflet de cette politique de découpage.
Elle était unificatrice des tribus et contre la politique fiscale beylicale.
Ø Le découpage colonial :
Le colon français a
choisi un découpage plutôt militaro-économique en vue d’optimiser la spoliation
des ressources primaires du pays(agricole et minière). Pour cela, ils ont
instauré une infrastructure routière (routes et chemins de fer)et industrielle(industrie
d’extraction minière)et ont intensifié le secteur agriculture (mécanisation,
fertilisation).L’armée était la garante d’un contexte favorable à cette
politique spoliatrice.
Ø Le découpage postcolonial :
Quant aux gouvernements
postcoloniaux, ils ont procédé à un découpage politico-sécuritaire sous
l’enseigne de « l’unité nationale » tout en favorisant l’essor des
secteurs secondaires et tertiaires(villes littorales : Bizerte, Tunis,
Sfax, Sousse, Gabès)au dépend du secteur primaire(régions à caractère agricole
et minier)et du secteur artisanal.
Ainsi, on remarque que
le processus de marginalisation des régions de l’intérieur, à vocation agricole
et/ou minière, ne date pas d’aujourd’hui et qu’il s’est accru davantage au
profit des régions prestataires de services(banques, hôtellerie, loisirs)et/ou
à caractère industriel. Les « pôles » régionaux sont dans les villes
littorales.
Ce processus a généré
une dualité socio-spatiale : la région littorale N-E et le reste du
pays. La disparité est devenue telle qu’une révision des paramètres de
découpage régional et du mode de gestion horizontal sont devenues des
impératifs au développement régional afin de remédier à ces inégalités.
La réflexion
rationnelle exige une reconsidération et une réhabilitation des régions selon
de nouveaux critères qui vont de pair avec les objectifs de cette révolution.
2.3/ Pertinence d’un
redécoupage spatial:
Des essais de
redécoupage scientifiques ont été réalisés en vue d’un aménagement territorial
efficient. Comme il a été cité ci-dessus, la politique verticale et partisane
ayant opté pour le découpage à caractère sécuritaire, politique et régionaliste
n’a mené qu’à un approfondissement de la disparité régionale et sociale. La
politique économique basée sur la démarche de développement sectoriel a
engendré la monoproduction et ses méfaits dans certaines régions de l’arrière
pays. Une telle démarche n’est qu’une conception d’une politique
discriminatoire et daltonienne, elle a généré un vaste espace vulnérable sur
tous les plans(économiquement, socialement et écologiquement). Pourtant les
scientifiques considèrent que le découpage spatial devrait se baser sur des
critères objectifs et non subjectifs. Ces critères sont multiples et de
différents ordres, ce qui impose l’implication et la conjugaison de l’effort
d’une multitude de disciplines scientifiques(topographes, pédologues,
géographes, urbanistes, agronomes, statisticiens, ethnologues…etc.), des
populations et des institutions privés et publics. Un effort
multidisciplinaire dont l’objectif
consiste à réaliser des études prospectives. L’une des plus délicates et
prioritaires des tâches est de déterminer les régions ou zones
« vides » et les « pôles de développement » ainsi que les
mécanismes nécessaires pour une meilleure connexion intra-régionale et
interrégionale. Partant de l‘hypothèse qui suggère la faiblesse du facteur
ethnique, le redécoupage sur fond socio-économique et environnemental se limite
alors à dresser le répertoire des
ressources vitales disponibles(contenance du sol et de la mer, disponibilité
hydrique, biodiversité animale et végétale), les ressources collatérales non
marchandes(institutions académiques, collectivités territoriales, organisations
mutuelles), les ressources marchandes(banques, entreprises, organismes
professionnels)et l’infrastructure de base(routes, hôpitaux, édifices scolaires,
barrages…etc.).
Théoriquement, les
atouts du pays sont nombreux. Pratiquement, c’est le découpage discriminatoire
qui était à l’origine de l’émergence de régions polarisées et d’autres dites
« vides ».En fait, il n’existe pas de régions « vides »
mais des régions avides de ressources financières et scientifiques en vue
d’optimiser l’exploitation des ressources et d’instaurer une justice régionale.
2.4/ Justesse et justice :
La délimitation spatiale devrait prendre en
considération les définitions suscitées pour donner une « âme » à
toute région nouvellement conçue.
Ø La justesse d’un redécoupage :
La justesse de l’approche repose sur un redécoupage
spatial rationnel visant:
ü
Un POTENTIEL Variable(ressources,
investissements, culturels) ;
ü
Un ESPACE Viable(actions
intégrées éco-agrologiques, pôles technologiques et environnement attractif aux
investissements et aux personnes) ;
ü
Un PRODUIT Vendable(services
de base, loisirs);
ü
Une ORGANISATION de proximité(responsabilisation);
ü
Une GESTION horizontale(participative
et transparente).
Ø
La justice régionale :
Quant à la justice régionale, elle
repose sur le respect du droit du citoyen à une vie décente et équitable. Elle
est basée sur les principes suivants:
ü
Droit d’accès et d’usage aux
diverses ressources naturelles et culturelles(sols, eaux, édifices
archéologiques, organisation de festivités, partenariat avec des régions
extranationales) ;
ü
Droit d’accès et de participation au
savoir(institutions d’enseignement, de recherche et de vulgarisation);
ü
Droit au travail et au loisir(émergence
et soutien d’une polarité régionale, tissu industriel, trame de services et de
loisirs).
Théoriquement,
nulle personne à fond civique ne peut nier ces principes fondamentaux. Mais
réellement, il existe des adeptes et des sceptiques guidés par des intérêts
politico-économiques et sociaux.
3/
Repenser les besoins de développement régional :
La
seconde tâche consiste à concevoir une approche de développement régional
intégré et participative(DRIP)et non sectorielle-dirigiste. Un nouveau modèle
de développement visant l’exploitation pérenne des ressources vitales est un
préalable incontournable. La valorisation de ces ressources est tributaire de
la valorisation rationnelle du savoir-faire régional conjuguée à un apport
scientifique et technologique adapté d’une part, et de l’implication de tous
les intervenants actifs de la région d’autre part(populations, institutions de
recherche et de vulgarisation, administrations).
3.1/ Les approches :
Le
développement n’est pas sujet de controverses conceptuelles, mais plutôt
d’ordre pratique relatif à l’approche mise en œuvre. On peut scinder les
approches en deux groupes : une première approche descendante et
sectorielle et une seconde participative et intégrée.
Ø L’approche descendante et sectorielle :
Cette
approche est celle pratiquée durant un demi-siècle par l’Etat et les
gouvernements successifs de la Tunisie. Même le tissu institutionnel
confectionné (Offices, organisations professionnelles, associations de
développement…)s’est vu contraint à suivre cette approche.
Les
consultations nationales sectorielles n’étaient que de la poudre aux
yeux ! Elles étaient organisées pour approuver des programmes préétablis
plutôt qu’une réelle conception participative des programmes. Les différentes
missions d’évaluation réalisées à mi-parcours ou en post-projet sont basées sur
des indicateurs quantitatifs(budget/activité ; activité/volume produit ;
activité/emploi créé…etc.)négligeant les effets qualitatifs collatéraux(environnement,
biodiversité, santé humaine). Ni les PDR des années 70, ni les PDRI des années
80 n’ont atteint les objectifs globaux et parfois spécifiques assignés. Pire, de
nombreux grands projets(barrages, unités industrielles)ont eu des effets
catastrophiques sur le plan écologique, sanitaire et social.
Ø L’approche participative et intégrée (API):
Au
début des années 80 et dans le cadre de partenariat étranger il a été sujet de
créer l’Office de Développement Sylvo-pastoral(ODESYPANO) et l’Office de
Développement du Centre(ODC). C’est à partir de cette période que les concepts
d’approche participative(AP)puis approche participative intégrée(API)sont
introduites dans les annales de développement en Tunisie. Certaines
associations de développement œuvrant dans le monde rural ont aussi adopté ces approches
dictées par les partenaires étrangers(ONG, Etats, UE).
L’API repose sur les principes
suivants :
ü Pilotage des projets par des organismes
paraétatiques et ONG;
ü Intervention pluridisciplinaire ;
ü Planification participative et coordonnée ;
ü Intégration de l’aspect genre ;
ü Prise en compte de l’aspect environnemental.
Bien
que théoriquement, il s’agisse d’une approche intéressante, le contexte
national de sa mise en œuvre ne le
permettait pas. La politique dirigiste d’une part, et l’esprit d’assistance des
bénéficiaires étaient les entraves majeures au processus de l’appropriation de cette approche. Une troisième entrave de
taille au processus de développement réside aux disponibilités financières et
les mécanismes misent en œuvre. Quels sont les mécanismes institutionnels
adoptés pour étoffer le processus de développement rural intégré et
participatif (DRIP)?
3.2/ Le financement des
programmes :
Le financement est un outil nécessaire
et non suffisant de transformation. Il est communément connu que les sources de
financement de l’économie d’un pays reposent sur la mobilisation de trois
ressources complémentaires : l’épargne privé, la fiscalité et le crédit
financier.
Les politiques de financement engagées
et les mécanismes adoptés sont en rapport avec le degré de l’engagement de
l’Etat : d’une intervention directe durant les années 60-70, à un
désengagement progressif dans le cadre du PAS dans les années 80-90 à une
politique de partenariat entre le secteur public(infrastructures de base)et le
secteur privé à partir de l’année 2000.
Ø Le financement bancaire :
Les mécanismes adoptés(subventions,
prêts)sont loin de satisfaire les besoins des bénéficiaires surtout quand il
s’agit du secteur agricole(exigeant en matière
d’investissement, cycle de production long, nombreux risques…etc.). Etant
donné l’importance de ce secteur productif dans les régions de l’arrière pays,
un intérêt particulier a été donné au financement de ce secteur. Les nombreux
risques éventuels ont mené les institutions financières à s’immuniser derrière
les garanties afin minimiser ces
risques. Or, l’exigence de certaines conditions(solvabilité, immobilier hypothécable,
rentabilité financière)est loin d’être à
la portée de la quasi-totalité des agriculteurs et des paysans. En effet, le
statut foncier des exploitations agricoles est très diversifié : une
strate foncière des PEA dominante; un morcellement exigu ; une
nébulisation parcellaire et un statut juridique compliqué. A cela se conjugue
la disponibilité ou non de ressources hydrauliques, la qualité des sols le
savoir-faire et les compétences technico-scientifiques.
Le diagnostic établi par les évaluateurs
estime qu’il existe un faible financement du secteur(9% du volume global des
investissements)et une sous bancarisation(2,8% de l’ensemble des agriculteurs
ont accès au crédit saisonnier, 9% des agriculteurs sont bénéficiaires de
crédit d’investissement).Ce faible flux financier dont bénéficie les grands
propriétaires est devenu un moyen de différenciation sociale(éviction des
paysans)caractérisée par une sous capitalisation des PEA et MEA.
Pourtant,
nombreuses institutions internationales prédisent que, dans les pays en voie de
développement et émergeant, seul le secteur agricole est capable d’accroitre sa
part de PIB de quatre points contre seulement un point d’investissement
supplémentaire.
Le
mode de faire-valoir dominant dans les PEA et MEA est de type direct et
familial, il n’est plus générateur de plus value, ce qui explique le phénomène
de l’emploi en mi-temps et le travail extra-EA. L’absentéisme et le mode de
faire-valoir indirect(métayage à CT et MT)caractérisent les GEA. Dans les deux
cas de figure, l’investissement agricole formel a subi un coup d’arrêt et les
producteurs ont tourné le dos à ce type de financement vers les structures de
financement. A défaut de financement formel, nombreux agriculteurs et paysans
se sont affiliés au financement parallèle et informel(crédit-fournisseur, crédit-usurier)et
à des activités à cycle de production court et génératrices de revenu(élevage
hors-sol)et/ou à des activités secondaires en dehors de l’EA.
Cette
politique financière a marginalisé le secteur agricole entrainant la ruine
financière de nombreux paysans. Ces derniers se sont trouvés devant
l’obligation de cessation de leur activité et sont venus agrandir les rangs des
marginaux ou de ceux qui travaillent dans des conditions précaires.
Bref,
les mécanismes adoptés n’étaient pas adaptés aux conditions spécifiques des
bénéficiaires potentiels (aspect foncier, autofinancement, rentabilité
économique, pouvoir de décision…etc.).
Devant
une telle situation l’Etat a conçu un autre outil de financement pour les plus
démunis. Il s’agit du Banque Tunisienne de Solidarité(BTS)et ce depuis 1997. La
BTS a adopté des mécanismes de microcrédits plus souples qui consistent
à : la non exigence de garanties hypothécaires, l’application d’un faible
taux d’autofinancement(5%)et un taux d’intérêt acceptable(5%). A partir de
1999, cette institution agissait en concert avec les associations de
microcrédit, ces structures ayant été créées pour
financer la couche sociale la plus démunie et qui jusque-là était exclue du
système bancaire. Le plafond du microcrédit
octroyé a été sujet d’une hausse discontinue en fonction de la hausse du coût des
projets(coût d’investissement et de production). Ces mécanismes ont amélioré
relativement la situation dans le milieu rural par la promotion de certaines activités
génératrices de revenu(AGRs) bien encadrées. Par ricochet, le taux de
recouvrement des crédits de la BTS s’est vu amélioré. Mais la contribution de
la BTS au secteur rural reste dérisoire. Toutefois,
ces mécanismes chapotés par la BTS ont réduit le champ d’action des
associations et ONG de développement. Sous le risque de la fermeture de la
vanne de financement, celles-ci étaient appelées à réviser leur approche de
planification et de pilotage. Les composantes des projets sont devenues
stéréo-typiques, commandités par les agents de la BTS. Le profil des
associations est passé d’une association de pilotage à un profil de
« caissier bancaire » et d’« agent de recouvrement » auprès
de la BTS !
Dans un tel contexte, n’est-il pas urgent de méditer sur d’autres
mécanismes de financement ? N’est-il pas judicieux de méditer pour la
promotion d’une économie sociale au sein duquel « la primauté du citoyen
sur le capital » est la pierre angulaire, dont la finalité est la
préservation de l’intérêt général et l’utilité sociale par le biais d’un
processus décisionnel participatif et démocratique et une gestion collégiale et
autonome. Un système basé sur un ensemble d’activités économiques exercées
principalement des institutions corporatrices(mutuelles,
associations).
Dans certains pays, aussi bien développés qu’émergents, il a été sujet de
développer des outils de financement solidaire et à court-circuit. Il est basé sur l’usage
d’une monnaie dite « monnaie locale » dont les adhérant sont à
« zéro épargne ».Un circuit de financement qui a dynamisé un marché
de proximité, lequel est à l’origine d’une compression des coûts, de
l’énergie consommée et de la pollution
environnementale.
Ø La fiscalité régionale :
L’autre
composante de financement régional n’est autre que la fiscalité. Elle est
incontournable lors de la conception de toute stratégie de développement
national, régional et local. L’instauration d’un cadre
budgétaire stable et équitable favorise la croissance et réduit la dépendance
et le recours aux financements étrangers(crédits, aides). C’est sous cet angle
de vue que la fiscalité est un devoir national. Or,
les pays en voie de développement sont souvent confrontés aux éléments
suivants:
ü la structure et la compétitivité économique(vaste toile
du secteur informel, prédominance de l’agriculture sur l’industrie et les
services);
ü l’instabilité politique ou macro-économique, la
faible qualité des services publics, la mauvaise gestion des finances
publiques, l’incidence de la corruption, la mauvaise gouvernance et l’absence
d’État de droit ;
ü les caractéristiques du système fiscal et de sa
gestion qui peuvent expliquer l’efficacité et la réactivité limitées des
réformes fiscales.
Le système fiscal tunisien actuel est
caractérisé par :
ü une base d’imposition étroite se traduisant souvent
par une distribution inégale de la charge fiscale entre les facteurs
économiques et les contribuables;
ü un rapport entre fiscalité directe et indirecte qui
ne reflète pas toujours dûment la structure de l’économie;
ü un lien ténu entre politique fiscale et
administration fiscale;
ü une faible capacité des administrations fiscales de
gérer et de superviser le système fiscal, ce qui peut se traduire par une
mauvaise discipline fiscale et un faible taux de recouvrement de l’impôt.
Cette
injustice, iniquité et évasion fiscale ont généré la réticence citoyenne envers
ce devoir civique. Les prétextes les plus souvent évoqués sont : la
faiblesse des bénéfices, l’absence de transparence, la corruption
administrative, le mauvais usage des fonds publics, l’impunité des hauts
dirigeants qui pratiquent l’évasion fiscale et le blanchissement de l’argent.
Une allergie chronique du citoyen envers
l’exécution de ce devoir est installée. La seconde contrainte est d’ordre
technique. Il est pratiquement difficile de lever l’impôt dans des économies
rurales à faible revenu et dans un secteur informel tentaculaire. Enfin, la
mondialisation a compliqué davantage les contraintes intérieures. Les
multinationales et les investisseurs ont renforcé leur pouvoir de négociation
face aux Etats, provoquant l’émergence d’une concurrence déloyale en matière
fiscale basée sur une course au moins disant fiscal.
De tels phénomènes étaient à l’origine d’une prise de
décision concessionnelle (G8, G20, FMI, OCDE)qui consiste à se lancer dans la
lutte contre les flux financiers illégaux, la fraude et l’évasion fiscales et
les paradis fiscaux. Donc, a priori, l’un des
facteurs sera anéanti. Il reste que la lutte contre ces fléaux à
l'échelle nationale(disparité fiscale entre les régions, opacité, évasion,
réticence…etc.)est un chantier dont l’entame est imminente. Repenser les
mécanismes de la fiscalité en Tunisie est l’une des priorités en vue de
permettre aux régions de profiter de leurs recettes fiscales.
4/ Les sceptiques au DRIP :
Le
scepticisme à un redécoupage visant l’édification des jalons d’un vrai essor
des régions et l’équité socio-spatiale ne peut s’expliquer que par la louche
vision économique et politique.
4.1/
Les assiégeants et prétendants au pouvoir :
Le
chef de fil de cette catégorie des sceptiques sont les propriétaires financiers
et les décideurs politiques. En effet, l’unique souci de ceux-là consiste à
reproduire et accumuler leurs propres capitaux, de dispenser des moyens de
loisir en un temps record et d’investir le stricte nécessaire. L’infrastructure
de base héritée de la période coloniale a servi comme alibi aux décideurs
locaux pour continuer sur le même chemin de la discrimination régionale d’une
part, et le pompage de la plus-value rurale vers les villes littorales d’autre
part. Sur le plan politico-sécuritaire, les décideurs ne craignent pas
politiquement le monde rural vue l‘alignement des structures professionnelles,
l’absence d’un encadrement politique et la dissuasive politique pratiquée. Par
contre, ils sont d’une grande vigilance à l’égard des grandes villes qui
hébergent des ouvriers encadrés, une classe moyenne éduquée et informée.
La
mainmise du PSD et du RCD sur l’appareil de l’Etat vient compliquer la
situation en conjuguant une politique socioéconomique asynchrone à une
politique sécuritaire étouffante. La résultante de ce système bi-céphalique
n’est autre qu’un anachronisme idéologique et un repli identitaire et
régionaliste induisant confinement et sclérose au début, et des émeutes
épisodiques générales ou locales par la suite. Mais, un constat de faits
indique que, l’origine géographique est le trait commun de toutes les émeutes
sanglantes qu’à connu le pays(67 ; 78 ; 84 ; 2008 ; 2011).
Le début de chacune des celles-ci prenait source dans l’une des régions du
centre-ouest(Sidi Bouzid, Kasserine)et du sud-ouest(Gafsa, Kébili). Ce simple
trait commun explique à lui seul le déséquilibre régional structurel et
fonctionnel qui est le tronc de l’arbre des problèmes sociaux, économiques,
environnementaux…etc.
4.2/
La contre révolution :
Le
reste de la chaine des sceptiques est constitué par des partis politiques
adeptes de la politique dirigiste et verticale. A la base de cette politique on
trouve une idéologie discriminatrice, dénigrant l’intelligence collective et
les capacités de la masse au profit de celle de l’individu
« encyclopédique » et « messager ». Les faits sont là pour
le démontrer : la révolution est « acéphalique », les priorités
de la révolution sont inversées, les solutions sont passées du social/politique
au politique/social, d’un renversement du système politique à la réforme et
préservation de ce système, une incohérence contextuelle des programmes
socioéconomiques et une négligence thérapeutique de la cause primaire
qu’est la disparité régionale. En effet, le découpage spatial, qui
constitue le cœur de la problématique de développement socioéconomique et
institutionnel, n’est soulevé que ce timidement et superficiellement par
certains et négligé par d’autres. Pourquoi ?
Un
nouveau découpage spatial selon les principes cités sus-dessus et l’émergence
de structures régionales de planification, de décision, de contrôle et de suivi
ne conviennent pas aux adeptes de la politique verticale(à sens haut-bas)et
centralisée ni à ceux qui ne trouvent leurs intérêts que dans les structures à
charpente pyramidale. Une gouvernance participative basée sur une approche
holistique et une organisation horizontale de la gestion du cycle de projet
sapent les bases de la partitocratie et éciment le favoritisme et la
bureaucratie.
Conclusion
Les découpages
antérieurs qu'a connu la Tunisie avaient un tri-pied commun: Pillage des
richesses-Répression-Financement étranger. Les effets et impacts étaient
désastreuses à différents niveaux(économique, social, écologique,
éducationnel)et à différentes échelles(régions, secteurs).
Repenser un nouveau
redécoupage spatial n’est pas une fin en soi, mais une technique
technico-scientifique de remodelage dans le cadre d'un nouveau modèle de développement
touchant aussi bien l'aspect physique(régions), technique(optimisation de
l'exploitation de l'énergie renouvelable à savoir l'énergie éolienne et
solaire, dessalement de l'eau de mer, ressources sylvo-pastorales),
politique(participation citoyenne, liberté d'expression)
qu'institutionnelle(Conseils locaux et régionaux élus, institution de contrôle
indépendante à l'échelle nationale qui veille sur les litiges et les dérobades
constitutionnelles-juridiques et monétaro-financières). Un redécoupage spatial
qui permettra l'essor d'un maillage à noeuds solides(pôles, zéro zone
"vide")mais osmotiques afin de dynamiser des "Clusters",
filières horizontales basées sur le principe gagnant/gagnant, et de contribuer
à l'essor des marchés territoriaux à cycles courts épargnant le pays
l'accroissement de la consommation énergétique. Un redécoupage qui œuvrera pour l'édification de bases
solides d'un espace fluide à l'accumulation du capital national sans lequel le
recours aux capitaux étrangers reste l'unique "solution" possible et
l'endettement va crescendo ! En parallèle, il est à instaurer un tissu
institutionnel horizontal(Conseils locaux et régionaux)en vue d'une approche participative
permettant la conception de programmes bien articulés sur des axes réalistes et
variés, mettant en œuvre des activités réalisables et mobilisant les moyens
disponibles. Les activités sont en rapport direct avec les résultats escomptés
et les objectifs assignés.
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